Genre et migration de femmes seules: Entre androcentrisme et prisme de « la culture d'origine »
In: Naqd: revue d'études et de critique sociale, Band 28, Heft 1, S. 55-75
Tout au long du travail auprès de femmes parties seules du Maroc (Moujoud, 2007), la mise en doute de la présence effective en France de Maghrébines arrivées en dehors du cadre familial a constitué une sorte d'injonction à la preuve. Cherchant dans la sociologie de l'immigration des « preuves » pour répondre à cette injonction, il est apparu que la manière dont les migrations sont étudiées ne permet pas de répondre à cette injonction, ni même de poser la question de la migration des femmes qui partent seules. Cet article va donc s'attacher à montrer pourquoi la construction du savoir sur l'immigration en France interdit de voir une quelconque migration de femmes en dehors du cadre familial. L'idée de départ est que les grilles de lecture majoritaires ont renforcé l'invisibilisation de la migration des femmes seules, d'une part à travers la vision androcentrique de la migration, et d'autre part par les approches culturalistes qui expliquent le social par les seules spéculations sur la « culture d'origine » des populations maghrébines ou issues de l'immigration. Ce processus d'invisibilisation construit une catégorie homogène de « femmes immigrées ». L'objectif est donc dans un premier temps de déconstruire la vision androcentrique de la migration. Dans un deuxième temps, il s'agira d'interroger le regard culturaliste qui construit l'absence de migrantes parties seules.